L’Œuf Bobeauf

Période pascale oblige, nous avons, nous aussi, chassé les oeufs et par n’importe lesquels ! De vulgaires oeufs en chocolat bourrés d’huile de palme ? Non ! Des oeufs de Fabergé ? Encore moins ! Des oeufs d’une autre dimension que le Reichsminister Ludwig von Apfelstrudel (les vrais savent) n’aurait pas renié…

Il est 13h du matin comme le montre bien le visage de deux des trois protagonistes. Deux mecs se beurrent les tartines. Mais pas tout à fait des tartines. Ces demi-baguettes beurrées sont des grandes mouillettes, des mouilles donc. Le troisième est là car il sait qu’il ne peut décemment pas rester sans rien faire même si, là, il ne fait rien en arborant ce sourire triomphal.

Voila le bébé, la belle bête, le cadeau, l’œuf d’autruche de Savoie. Vous remarquerez l’attention paternelle dans les gestes. 1,8kg, 2 bons millimètres d’épaisseur de coquille, 45min de cuisson pour les curieux.

Cette scène, digne des plus belles œuvres de Beaubourg, je m’en vais vous la décrypter. Trois hommes concentrés sur leur tâche, leur but ultime, ouvrir cette belle coquille. Sur la gauche, un Tib’, en mode chef de chantier mais en fait il faisait l’arpette. Au centre, un homme qui risque valeureusement ses doigts pour le bien de la communauté Bobeauf, mais qui pense que Beyrouth est en Bretagne. A droite, un homme heureux qui pratique une opération à haut risque. Ses outils? Des scies. Oui, un pluriel, en effet, les plus attentifs d’entre vous peuvent s’amuser à chercher la scie à métaux dans le cadre de cette œuvre d’art. Car en effet, par crainte, et avouons-le, méconnaissance, l’opération a débuté à la scie à métaux. Peur de venir trop vite, peur de gâcher le plaisir. Mais la coquille ne cédait que peu de terrain. Face à cette résistance, cet ordre raisonne encore dans mes oreilles: « Bon, va chercher la scie égoïne ». Et Tib’ y alla. Et l’oeuf céda… Alléluia!

L’apothéose approche, tout est prêt, les mouilles, un poivrier digne de poivrer cet oeuf et l’homme, qui lui aussi sait que l’apothéose est proche. La mouille fait son boulot dignement, bien droite, fière d’elle-même. Elle s’imprègne de cette ambroisie jaune car oui, l’oeuf est cuit à la perfection. Le jaune est coulant, le blanc bien ferme. L’homme semble sur le point de tâter cet œuf bien en forme mais les mains hésitent, par où l’attraper ? Seront-elles assez grandes pour le saisir?

Et il l’a fait! Cette mouille pénètre sa cavité buccale, le jaune d’oeuf, le beurre et le pain inondent ses papilles qui se régalent, qui en redemandent, qui crient victoire ! L’expérience sera tentée plusieurs fois et toujours avec succès. De temps à autre, un morceau de bacon bien croustillant se glissera entre les parois encore chaudes de l’oeuf. Toujours le bonheur, les palais en redemandent. Évidement, le tout est accompagné de champignons, de fayots à la tomate et de l’inévitable plateau de fromages. Bref, un moment majestueux, un moment inoubliable, un moment bobeauf.

Je finirai par ces deux moments de grâce, de partage, de bonheur, bref de vie.

Un homme heureux du travail bien fait, qui sait que le bonheur est à portée de mouille.

Et parce que être Bobeauf n’est pas réservé qu’aux hommes, la FEMME sait également tremper sa mouille.

bobeaufement vôtre,

BT